Aujourd’hui c’est avec Abdé que je bois un café, à La Pao, son joli salon de thé de la rue Chinoise à Grenoble. J’étais souvent passée devant à vélo, mes yeux gourmands attirés par les pâtisseries qui, depuis la vitrine, s’offrent aux regards des passants :-).
Et puis il y a quelques semaines, je suis entrée boire un café. Un air de jazz et une exposition de jolies photos d’Oran et d’Alger m’ont accueillie dans une ambiance cosy en ce matin d’hiver. Je m’y suis sentie bien.
J’ai parlé à Abdé des Cafés de l’optimisme du mardi matin, je cherchais un nouveau lieu où les organiser. Bonne nouvelle, il a tout de suite accepté de nous accueillir !
J’ai eu envie d’en savoir plus sur l’histoire de ce café qui n’a quasiment pas changé depuis 42 ans, alors je suis revenue avec mon appareil photo et mon stylo.
L’histoire de La Pao
Le père d’Abdé ouvrait La Pao en octobre 1974. Avant c’était un salon de coiffure, dont on peut encore voir les miroirs sur le mur. Arrivé en France en 1955, son père travailla comme ouvrier pendant 20 ans. Puis il ouvrit le café, qu’il voulait un lieu de rdv des « Chibanis », ces hommes comme lui venus du Maroc, de Tunisie et d’Algérie, aider la France à la reconstruction d’après-guerre, se retrouvant pour la plupart isolés, loin de leurs familles restées au pays.
L’âme de la Pao aujourd’hui
Depuis 1994, c’est Abdé, qui comme son père, tient chaque jour le café. Les gâteaux sont toujours faits maison par Abdé, son frère et leur mère, qui continue de venir parfois faire les makrouds.
J’ai senti qu’il y avait une âme dans ce café, que c’était plus qu’un salon de thé. Pour Abdé, me dit-il, c’est un peu sa 2ème maison, il a trouvé une famille ici. Depuis la réhabilitation du quartier, il n’y a plus beaucoup de Chibanis. Ces hommes sont maintenant âgés, parfois malades et ont été pour beaucoup relogés dans d’autres quartiers. La clientèle a changé. Beaucoup de clients sont devenus pour lui des amis. « C’est une histoire de coeur avec les gens d’ici » me dit-il. Certains l’ont invité au Sénégal, aux Antilles, faire du bateau, du parapente ! Plusieurs générations sont venus ici à La Pao.
Abdé aime l’échange, le contact. « Des fois, c’est vrai quand il fait beau, j’aimerais être ailleurs. Mais je suis bien ici, j’aime le lien. C’est marrant quand je pars en vacances, ce contact me manque. C’est furtif, ça dure quelques minutes seulement, mais c’est toujours là ! »
Alors qu’on discute, un jeune facteur entre dans le café, dépose à Abdé le courrier. Abdé lui offre un thé, ils discutent un moment. Ca me surprend et me rassure en même temps de voir, à notre époque où tout va si vite, des gens prendre le temps de s’arrêter, se parler, échanger.
Abdé me partage alors un peu sa vision de la vie.
Confidences d’un optimiste
« Même si parfois je fais un peu la gueule le matin en venant, je suis plutôt quelqu’un d’optimiste ! »
Quand au secret de son optimisme :
« C’est le lieu, c’est le quartier, cette rue, les voisins, les enfants qui viennent là. Il y a beaucoup d’entraide, de lien dans le quartier. On a tous les clés de chez les uns, chez les autres. Il y a une vraie solidarité entre commerçants. C’était plus fort encore avant la réhabilitation de la rue. C’était un vrai petit village ici. »
Voici sa vision du monde de demain :
« A ce niveau-là je suis plutôt pessimiste. Je ne trouve pas l’état du monde très beau en ce moment. Par contre, autour de moi, oui. Je suis grand-père d’un petit garçon de 5 ans. J’essaye qu’il soit heureux et qu’il profite dans les meilleures conditions. C’est vrai pour tous les autres enfants. »
S’il avait une baguette magique, son voeu juste pour lui :
« Etre en meilleure santé, retrouver la pêche, l’énergie, le pep’s que j’ai perdus. Avec ça, on peut voir la vie en rose je crois. »
Et le voeu qu’il ferait pour le monde :
« Le bien-être pour tout le monde. Plein de gens sont malades autour de moi, alors la santé pour tout le monde. Avec la santé, on peut être heureux, c’est important. »
Je remercie Abdé pour ce partage du coeur.
Venez faire un tour le mardi de 8h30 à 9h30 à La Pao pour participer aux Cafés de l’Optimisme.
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